Je me lève tôt ce matin. La nuit recouvre encore la ville de sa lumière orangée. Je jette un coup d’œil par la fenêtre, j’aperçois au loin les premières lueurs du jour. Dur labeur d’un seul et unique soleil qui chaque matin, en absence de nuage, doit découper dans le ciel le profil aiguisé des Alpes puis s’efforcer de placer devant le regard des matinaux observateurs des voiles d’abords violets puis roses, et enfin bleus. Lourde tâche pour ce vieil astre d’ouvrir chaque matin les nouveaux horizons pour nous les Hommes, de défricher la nuit à grands coups de rayons comme le guide la jungle à la machette.
Au soleil, si généreux donateur de chaleur et d’énergie, nous devons absolument tout !
J’observe attentivement l’ascension de cet astre miraculeux. D’abord unique rayon, il devient vite un vif brasier posé à même le sol… encore un peu de patience. Je vois désormais un magnifique disque rouge pendu à quelques centimètres au dessus de l’horizon. La montagne s’enflamme à proximité. Il monte encore légèrement et il me semble maintenant avoir devant les yeux un drapeau nippon suspendu aux étoiles… Je ne peux guère le fixer plus longtemps sans risquer de m’aveugler.
Détournement de regard. Contraste saisissant.
Le monde est gris et bleu. Mes yeux n’ayant vu jusqu’alors que le rouge du soleil levant, la ville me semble prise dans un cube de glace opaque. J’ouvre la fenêtre pour prendre un grand bol d’air et suis saisi par le froid devenu soudain si réel. Il me pénètre violemment et fige sans appel mes deux poumons. Je reste suspendu à mon destin comme le soleil quelques instants plus tôt aux cieux. Je suis prisonnier hors de ma chambre. Au cœur du monde. Le temps s’arrête…
J’ai de ce fait le privilège d’être en condition idéale pour observer paisiblement et avec davantage d’attention le magnifique spectacle qui m’est offert. Je n’y avais jusqu’alors pas prêté la moindre attention; au dessus de la ville, des centaines de cheminées crachent verticalement de larges volutes de fumées blanches. Le ciel n’est plus que le toit sans fin d’un immense temple soutenu par mille colonnes éphémères. C’est fantastique.
L’église à quelque mètre sur ma droite me sonne sept fois de reprendre connaissance car une longue journée m’attend. Mais il me manque quelque chose… Des effluves virtuelles viennent alors titiller mes imagino-neurones et c’est un grand bol d’un noir fumant qui entre en scène.
Ce café est la clé. Il me souhaite une bonne journée. Je dois dire qu’elle a très bien débuté.
Puis encore l’église dingue à me faire sursauter le moment dong sur le parquet du café renversé ding de quitter le paradis pour rejoindre dong le monde vrai et entamer une journée sur la base du modèle de la journée type des types qui ont des journées modèles. Triste sort. Dingue.
Mais aujourd’hui, contrairement aux centaines d’hiers, j’emporte avec moi de magnifiques images. Et je me dis que ce soir, il faudra que j’en parle dans mon journal…