Souviens-toi…

Lorsque j’habitais à Metz, nous adorions errer le matin dans le brouillard, près du plan d’eau, au bord de la Seille ou du bras mort de la Moselle. Les arbres en ombres chinoises sur une brume orangée par les lampadaires dessinaient des formes propices à l’imagination. Les esprits étaient prêts à bondir du néant… tu te souviens ?

 »Je me souviens…  » Je revois les gouttelettes perler sur les toiles d’araignées. Je sens à nouveau nos doigts gelés autour d’un Amsterdamer qui semblait divin. Les signes, pattes et plumes glacées, cherchent sous nos yeux un peu de chaleur, sur l’eau, sous leurs larges ailes. L’eau, d’où s’échappe ce cocon de vapeur froide qui nous entoure, s’étend aux limites du champ de vision et semble provenir de nulle part. La vapeur qui s’élève progressivement ajoute du mystère à ces instants magiques.

Je me souviens, rien ne pouvait entraver ces moments de liberté. Nous étions dans Notre Monde.

Aujourd’hui, je suis à Bienne. La ville est sous une nappe dense. Une nappe qui éveille en moi ces souvenirs. Tout ici est réuni : un lac, de magnifiques grands arbres, des signes, des lumières orange. Tout est parfait. Il y a même la montagne qui découpe un doux profil en arrière plan sur cette toile de maître.

Dommage que dans ce pays, un mot d’ordre soit écrit en gras sur de petits panneaux anodins à priori : Police Population, Surveillance Mutuelle. Ce que ces mots cachent à peine anéanti sans détour le sentiment de liberté dont je jouirais volontiers.